Paris, la ville où presque toutes les nations ont signé l’historique Accord de Paris sur le climat en 2015 pour lutter contre le changement climatique, vient d’organiser les premiers Jeux olympiques pleinement alignés sur ces mêmes objectifs environnementaux : limiter le réchauffement climatique à bien moins de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels.
Ceci n’est pas une coïncidence. Paris 2024 aspire à laisser un héritage qui dépasse de loin le sport, en établissant une nouvelle norme d’excellence pour ce que les Jeux olympiques peuvent réaliser en termes de durabilité, d’inclusivité et de bénéfices à long terme pour la société.
Les Jeux de Paris n’avaient pas pour seul objectif la collection de médailles et de records à battre. Ils ont été conçus pour marquer un tournant dans la manière dont les événements mondiaux peuvent intégrer la durabilité, avec l’engagement d’être les Jeux “les plus verts de l’histoire”, enseignant de précieuses leçons aux futures villes hôtes.
Des économies financières grâce à une infrastructure durable
Paris s’est fixé pour objectif de réduire les émissions globales de 50% par rapport aux Jeux de Londres 2012 et de Rio de Janeiro 2016 en adoptant une approche d’économie circulaire. Contrairement à une économie linéaire, qui suit un modèle “prendre, fabriquer, jeter”, une économie circulaire vise à boucler la boucle de l’utilisation des ressources en préservant la valeur des produits, des matériaux et des sites aussi longtemps que possible.
Cela apporte des bénéfices environnementaux, bien sûr, mais permet aussi d’importantes économies. La décision du Comité d’organisation de Paris d’utiliser 95% de sites temporaires ou existants a considérablement réduit les coûts d’infrastructure. Cette approche souligne un point essentiel : la durabilité n’est pas seulement une question de protection de l’environnement ; elle offre également des avantages financiers considérables.
Un exemple frappant est la construction du Centre Aquatique à Saint-Denis, un site conçu pour servir la communauté locale bien après la fin des Jeux. Le site de 6000 places a été réalisé en bois durable, utilise des chaises en plastique recyclé et dispose de panneaux solaires sur son toit. Cela permet non seulement de minimiser l’empreinte environnementale, mais aussi de garantir que l’investissement consenti dans l’infrastructure continue de profiter à la communauté.
Après les Jeux, le Centre Aquatique sera transformé en un centre sportif communautaire qui devrait ouvrir à l’été 2025. Il disposera de 2500 places et comprendra des équipements tels qu’un mur d’escalade et des terrains de foot à 5.
Repenser l’infrastructure post-olympique
L’un des défis les plus durables pour toute ville hôte est de savoir que faire de l’infrastructure une fois les Jeux terminés. Paris 2024 établit une nouvelle norme à cet égard, en évitant les projets “éléphants blancs” – des développements d’infrastructures à grande échelle qui deviennent sous-utilisés, coûteux à entretenir ou complètement abandonnés une fois l’événement terminé – et qui ont alourdi les villes hôtes passées.
Après les Jeux olympiques de Rio en 2016 par exemple, de nombreux sites du parc olympique n’ont plus été utilisés et se sont détériorés, devenant des symboles de dépenses excessives et de mauvaise anticipation.
Cependant, en limitant les constructions à seulement 5% de nouveaux sites tout en privilégiant les structures temporaires ou existantes, Paris s’assure que ses sites olympiques serviront les besoins de ses habitants à long terme plutôt que de les voir devenir un vestige coûteux et sous-exploité.
Un exemple est le Village olympique, construit sur des terrains industriels revitalisés dans la zone historiquement défavorisée de Seine-Saint-Denis. Après les Jeux, les dortoirs des athlètes seront transformés en 2800 logements “abordables”. Cette stratégie permet non seulement de réduire l’impact environnemental, mais aussi de promouvoir l’équité sociale, transformant ce qui aurait pu être des structures éphémères en atouts durables pour ces quartiers.
La décision d’accueillir certaines épreuves de natation dans la Seine récemment nettoyée est un autre exemple puissant de transformation d’un défi environnemental vieux d’un siècle en un héritage positif.
Impact économique sur les entreprises locales
Les retombées économiques de l’organisation des Jeux olympiques ont toujours été un sujet controversé ponctué de débats pour déterminer si les bénéfices justifient les coûts.
Les estimations varient entre 7,3 milliards et 12,1 milliards d’euros pour Paris et la région Île-de-France entre 2018 et 2034. Ces gains économiques sont largement alimentés par des secteurs comme le tourisme, la construction et l’évènementiel. Neuf millions de billets ont été vendus avec un record de 34 millions de téléspectateurs, soit une audience en hausse de 79 % par rapport aux Jeux de 2020 à Tokyo.
Cependant, des secteurs comme le commerce de détail de luxe ont exprimé des inquiétudes quant aux effets de “saturation”, où les touristes habituels sont dissuadés par l’afflux de visiteurs olympiques.
Néanmoins, les Jeux devraient injecter environ 2,6 milliards d’euros dans l’économie locale grâce aux dépenses touristiques seules. La Banque de France estime à 0,45% le coup de pouce au PIB apporté par les Jeux. Il est toutefois essentiel de se rappeler que la véritable valeur des Jeux olympiques dépasse les rendements financiers. Les Jeux sont une célébration des valeurs du sport et une plateforme pour rassembler les gens dans un monde de plus en plus divisé.
Établir un précédent pour les futurs jeux
Ces dernières années, la sensibilisation du public aux initiatives de durabilité a augmenté, et les événements mondiaux comme les Jeux olympiques ont été de plus en plus critiqués pour l’impact à long terme laissé sur les villes hôtes. Paris 2024 a défié ce narratif en prouvant qu’un événement mondial peut être à la fois spectaculaire et durable.
Paris a battu des records majeurs, notamment en atteignant la parité entre les athlètes, même si tout n’a pas été parfait. De sérieuses préoccupations ont été soulevées, comme l’impact sur la biodiversité marine à Tahiti, à 16 000 kilomètres de Paris, où se déroulait le surf olympique.
Néanmoins, les Jeux de 2024 laissent derrière eux un important héritage de durabilité. Ils ont provoqué une transformation au sein même de la ville, reflétant une vision plus large : une ville peut sortir des Jeux olympiques mieux équipée, avec de nouvelles infrastructures qui répondent aux besoins des résidents et qui contribuent, voire accélèrent, d’importantes initiatives sociales locales.
Les Jeux de 2024 ont établi un précédent pour les futures villes hôtes – la prochaine sera Los Angeles en 2028 – démontrant que la durabilité, la viabilité économique et la culture de la persévérance peuvent aller de pair.
Cet article est une traduction de l’article « Paris 2024 : The greenest ever Games » has set a new standard for global events » en anglais écrit par la Professeure Julia Binder.
La Professeure Julia Binder a également publié un nouveau livre avec le Dr. Manuel Braun qui vise à établir un lien entre les arguments économiques et environnementaux en faveur de la transformation des modèles commerciaux et tracer un chemin pour les dirigeants souhaitant passer de notre passé linéaire à un futur durable et circulaire. Lire le papier blanc issu du livre [en anglais] : The Future of Circular Business.